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Fortunez. Entreprise III


celle qu’il rencontra la premiere, il l’a recognut bien, car ſon cœur eſtoit le parfaict peintre qui la luy figuroit, il fut eſmeu & ſurpris la voyant tant belle qu’elle luy paruſt ; car elle ſe monſtroit tant parfaicte, que difficilemēt on euſt peu trouuer vn obiect plus deſirable, leur rencontre fut ſolemniſee d’vn agreable baiſer : Et puis eſtants deuant la Dame qui le receut amoureuſemët, la rememoration de leur ancienne cognoiſſance miſe en auant, multiplia du tout le deſir qui l’auoit amené, ce qui parut, pource que quelques iours apres, & que la familiarité fut renouuelee, la ſage Dame ſe plaignant à luy de ceux qui prenoient le ſoin de la Damoiſelle, & l’auoient negligee depuis vn an & demi, ils en entrerent ſi auant en diſcours, qu’elle l’informa des affaires de la belle : luy qui iugeoit que cela le touchoit à cauſe de ſon affection, aſſeura la Dame de tout, & la contenta payant ſa penſion, & tous les frais qu’elle auoit faicts, luy contant qu’il eſtoit des amis des parens de la Damoiſelle. Les affaires ainſi reſolus, tout ſe portoit bien, & cependant ceſte grande courtoyſie donna à ce ieune cœur capable de paſſion, vne iuſte occaſion de ſ’en eſmouuoir : & le Gentilhöme voyant ceſte douce inclination de la Belle, ſ’obligea d’amour vers elle, ſi eſtroictement qu’il y poſa l’extremité de ſon bon-heur, auſſi elle qui repaſſa ſur les premieres fleurs de leur ancienne amitié, ſ’y propoſa toute felicité, & ſe donna entierement à celuy qui l’aimoit parfaictement ; les amours formees ſu le modele exact de la chaſteté durerent plus d’vn an, à la fin ce fidele amant ſe reſolut de