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Fortunez. Entreprise III


aymant, ſerez vous celle qui la ruinera par l’aigreur de l’ennuy où voſtre rigueur me iette : Soit ſ’il ſe peut : Il me faudra conſoler en ce que i’ay eu le courage tant fidele, que d’honorer celle qui me ruyne, & qui ſans occafion ſ’eſiouit de ma calamité, c’eſt tout vn, le ciel me vengera : car mon affliction eſtant diuulguee, quelque regret vous en ſurprendra, mais poſſible ſi tard, que ie ſeray peri auant que l’on ait penſé à mō ſecours. Elle luy repliqua, ie ne ſcay pourquoy vous eſtes en telles inquietudes imaginaires, penſez vous qu’il ne faille auoir autre ſoin, que d’eſpier le temps à ſ’auiſer de vous eſtre attentiue ſi ie n’auois qu’vne occupatiō ie ne vaquerois qu’à icelle, mais il faut eſtre à tout, & puis les Dames ne baſtiſſent pas le ſouuerain bien de leur cœur, ſur les friuoles entretiēs dōt vous nous amuſez, pour ſouuent nous abuſer, quant à moy ie vay ſuiuant les rencontres des auantures qui ſe preſentent, ſans me donner autre ſouci que de ce qui me peut plaire, lors qu’il eſchet que ie le trouue. Beleador. Viuez donc ainſi qu’il vous plaira, ſuiuant toutes vos fantaiſies, quant à moy ie viuray ſans changer tel que ie le vous ay iuré, les effaits me font iuger de voſtre amitié, que ie croy eſtre legere comme l’aer, & vn effait extréme fera demonſtration de mon integrité, & de la fidelité que vous ayant promiſe, i’emporteray auec moy quand ie me retireray des cachots de ce corps, deſplaiſant toutesfois d’auoir eſté ſi malheureux, que mon ame n’a eu autant loyale rencontre, qu’elle eſt iuſte en ſes deſirs & deſſeins, qui eſtans touſiours égaux à vous aymer & ſeruir,