Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/745

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
702
Le uoyage des Princes


me feront oublier mon bien propre, pour vous accommoder du contentement que vous pretendez en vous diſtrayant de moy. Ceſte douce aigre querelle d’amour euſt eſté plus longue, ſans qu’auec l’heure & le iour qui ſe retiroyent, chacun ſ’en alla en ſon logis. L’Empereur ce ſoir là, prit plaiſir à ſon ſouper plus que les iours paſſez, & ſon cœur plus dilaté luy auoit permis de l’appetit, ſi qu’il entra en termes de conualeſcence. Apres ſouper, il voulut à ſa couſtume entretenir les Sages, & cependant les Princes eſtans auec les Dames, acheuoyent ce qu’ils auoyent deliberé pour Etherine, qui ſe trouuoit fort conſolee de l’amour ferme de l’Empereur, qu’elle auoit veu comme il ſ’alloit promener, car la ſage Gnoriſe l’auoit amenee en vne des chambres du pauillon, d’où elle auoit eu ce plaiſir : Eſtans ſur les auis de l’auenir, Caliambe tençoit vn peu ſon cher Caualiree, en ces termes. Si vous euſſiez eu le cœur touché d’autant d’affection que vous auez la bouche pleine de belles paroles, ie ne vous accuſerois comme ie fay à mon grand regret d’vn crime que ie ſuis contrainte de vous mettre à ſus : Eſt-il vray que vous n’auez point eu ſouuenance de moy, peut il eſtre que ie me ſois miſe en deuoir de vous rechercher, & vous ayez fait ſemblant de n’y penſer point encor ? ie ne veux pas croire que l’oubli vous l’ait fait faire, & que vous ayant ſollicité vous n’ayez pas recognu l’affection de mon ame : I’ay ſouſpiré pour vous, i’ay langui pour vos perfections, qui ſeules sōt le bien de ma penſee, & il ſemble que vous ſoyez endormy ſans penſer à me conſoler ; I’ay fait eſtat