Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/767

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
720
Le uoyage des Princes


leurs lettres aux paroles de leurs intelligences. Or les premieres lettres auoient encor quelque ſigne de caractere ſignifiant, mais par l’ignorance ou promptitude des ſuyuants, les figures n’ont pas bien eſté exprimees, tellement que la forme a changé, & par tant de fois a eſté troublee, qu’en fin elle eſt corrompuë, ſi qu’il n’a plus eſté neceſſaire de s’arreſter à la diſpoſition des characteres, ains ſe tenir ſimplement aux dictions demonſtrees. Que ſi nous ſçauions bien les premieres lettres, & les premieres paroles, & impoſitions, nous ſerions incontinant ſçauans, car ayans la cognoiſſance d’vn nom propre, auſſitoſt nous deſcouuririons tout ce qu’il cache & peut : parquoy apprenans bien les paroles, le fons de la ſcience nous ſeroit acquis.

Tandis que le diſcours ſe prolongeoit en beaux exemples, paroles triees & demonſtrations exquiſes, i’auois l’oreille attentiue, mais encor plus les yeux & l’eſprit au Roy : C’eſt ce qui nous perd que de penſer obtenir des graces des grands pour nos beaux yeux, il leur faut faire du ſeruice qu’ils reſſentent, ils ne ſe repaiſſent point d’imaginations, leurs cœurs ayment ce qui eſt perceptible, ils ne ſcauent combien ils doyuent viure, ils deſirent ce pendant qu’ils ſont, iouyr de tout & obtenir ce qu’ils veulent, & ceux qui leur en fourniſſent quoy que vils qu’ils ſoient, ſont leurs amis, qu’ils auctoriſent, aggrandiſſent & maintienent, ie ne le penſois pas, mais ie m’abuſois à la douce vanité d’eſtre


careſſé