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La Princesse Camion

grins. Elle m’avoit appris que le roi étoit tranſporté chez le roi des Merlans ; & que la reine, au moment qu’elle m’avoit perdue, étoit devenue écreviſſe. Je ne pouvois comprendre ceci : on ne devient point écreviſſe, diſois-je ? Comprenez-vous mieux que vous ſoyez devenue baleine, me diſoit-elle ? Elle avoit raiſon ; mais on eſt ſouvent étonné des choſes qui arrivent aux autres, quoiqu’on ait dans ſoi de plus grands ſujets d’étonnement. Mon peu d’expérience faiſoit cela. Citronette rioit ſouvent de mon innocence, & étoit ſurpriſe de me voir ſi éloquente dans ma tendreſſe : car il eſt vrai que je l’étois ſur ce chapitre, & que je trouve que cette paſſion porte de grandes lumières dans l’eſprit. Je ne dormis plus, je réveillois cent fois par nuit la complaiſante Citronette, pour lui parler de mon prince ; elle m’avoit appris ſon nom, & me diſoit qu’il chaſſoit preſque tous les jours dans la forêt au deſſus de laquelle j’étois enterrée. Elle me propoſſoit d’eſſayer de l’atirrer dans notre demeure ; mais je ne voulois pas y conſentir quoique j’en mouruſſe d’envie. J’avois peur qu’il ne mourût faute de reſpiration ; nous y étions accoutumées, cela étoit différent : je craignois que ce ne fut une démar-