Page:Le dragon blesse Croisset Francis 1936.djvu/124

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moi, dans le labyrinthe des couloirs pourpres, dans cette succession infinie de cours de marbre, les princes, les courtisans, les eunuques, les femmes, les esclaves, les soldats et, sur ces rampes polies où se tord le dragon, et qu’encore aujourd’hui nul visiteur ne profane, l’ascension solennelle du Fils du Ciel.

Je l’écoute, presque incrédule. Dix-huit ans seulement nous séparent des fastes du plus vieil empire du monde et rien ici n’atteste plus son souvenir. L’herbe et déjà les racines attaquent les marbres, disjoignent les pierres. Où sont ces chefs-d’œuvre qui faisaient l’envie de l’Europe ? Seuls, au hasard des cours, demeurent quelques biches de bronze sur lesquelles crottent les oiseaux et ces étranges lions bouclés aux yeux affleurants et qui ressemblent aux chiens pékinois. Dans les salles d’honneur, les trônes eux-mêmes sont dépouillés de leurs ors, de leurs joyaux. Ils sont là, oubliés, ainsi que dans un musée désaffecté, rongés, craqués, comme s’oxydent les clous de bronze sur les nobles portes de laque rouge.

Une volonté systématique a frustré ces palais de leur âme et flétri les derniers