Page:Le dragon blesse Croisset Francis 1936.djvu/98

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haw, et avant même que j’aie pu lui donner une adresse, par un mystère que je ne cherche pas à m’expliquer, qu’il sait où je compte me rendre. Parfois, il lui arrive d’hésiter mais c’est que j’hésite moi-même. Alors il s’en va lentement, au pas, attendant que je me sois décidé.

Il a été riche quelquefois. Tout dernièrement une opulente étrangère, une veuve, l’ayant trouvé à son goût l’a promu au rang de guide. On le rencontrait alors vêtu, non plus d’un sarrau, mais d’une robe de soie, assis en face de la dame et s’éventant dans une Rolls-Royce.

Son rickshaw est immaculé. Les cuivres étincellent, la capote n’a ni déchirures, ni taches. Il franchit des lieues au trot et crache à peine. Quand je ne l’emploie pas le soir, il se rend aux combats de coqs ou au théâtre chinois. Entre deux courses, je le retrouve souvent assis entre les brancards et lisant un livre qu’il a tiré du mystérieux tiroir, lequel renferme l’éventail, la robe, un rasoir, un peigne et peut-être une pipe.

Il est sportif et aime son métier. Lorsque passe un rickshaw particulier attelé d’un coureur ingambe, il allonge aussitôt le trot, les reins cambrés, bombant son torse