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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/110

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CHAPITRE V

L’APOCALYPTIQUE SUCCÈDE AU PROPHÉTISME


Le livre de Daniel fut reçu dans le Canon des Juifs, mais seulement pour la partie qui existe en langue sémitique (hébraïque et araméenne), et non sans difficulté. On ne le rangea pas parmi les prophètes, mais seulement parmi ces écrits, de caractère varié, qui forment la troisième section du Canon, entre Esther et Esdras. L’Église a mieux jugé de ce livre admirable : elle l’a mis parmi les prophètes, et parmi les quatre grands.

La critique moderne ne lui reconnaît pas une importance moins considérable. Elle estime plutôt grandir son auteur en en faisant non pas l’un des représentants les plus illustres de la prophétie, mais l’initiateur d’un genre nouveau, l’Apocalypse. Ce n’est point là pour un catholique un terme mal porté, car l’Apocalypse de saint Jean clôt avec un incomparable éclat tout le Canon des Écritures. Mais c’est la seule Apocalypse que l’Église tienne pour inspirée, avec Daniel, si Daniel était une apocalypse. Et pourtant il existe beaucoup d’autres livres qui appartiennent incontestablement à ce genre.

Apocalypse signifie « action de découvrir », révélation, de Dieu s’entend : le voile qui cache l’avenir est soulevé pour faire connaître à un contemplateur attentif ce que Dieu prépare. Il semble donc qu’il n’y ait point de moyen terme entre le voyant, vraiment éclairé d’en haut, d’une part, et l’illuminé qui prend ses illusions pour une révélation divine, sans parler de l’imposteur qui accrédite ses conjectures par le mensonge. Aux temps anciens, à côté du vrai prophète, il n’y avait place que pour le faux prophète. Aujourd’hui encore on ne mettra dans la même catégorie que sainte Thérèse ni Mme Guyon, ni Molinos. Il y a un abîme dans l’ordre moral entre l’illuminé et le séducteur pseudo-mystique, mais on ne fera crédit ni à l’un ni à l’autre pour l’enseignement de la vérité religieuse.

L’apocalyptique ne pose pas la question dans des termes aussi absolus. Si nous laissons de côté l’Apocalypse de saint Jean, la critique moderne constate que l’auteur réel est un inconnu, qui n’a jamais pris ses discours à son compte. Il ne se nomme pas de son vrai nom, il ne dit pas : moi un tel, j’ai reçu telle révélation divine. Il met en scène un saint personnage de