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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/111

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l’antiquité, et il lui fait raconter les visions dont il a été gratifié par le Seigneur. Au premier abord, on est tenté de le juger plus sévèrement que le moderne illuminé, qui, lui, se met bonnement en scène : il croit de bonne foi avoir vu, dans la lumière divine. Le voyant de l’apocalypse au contraire en parlant au nom d’un autre serait entré dans la voie de la dissimulation. Que l’on pèse les choses de sang froid, on verra qu’il s’est servi simplement d’un artifice littéraire généralement adopté. Son zèle pour la vérité s’affirme assez par le soin de ne rien enseigner qui ne soit selon lui conforme à la révélation divine. Les disciples de Pythagore se croyaient-ils coupables de la moindre entorse à la vérité, en mettant sous son nom une doctrine qu’ils tenaient pour certaine, étant persuadés qu’il n’avait pas manqué de la percevoir ? Ainsi jugeait-on vraisemblable, parmi les Juifs, que les grands saints de l’antiquité, dans Israël et dans Juda, ou plus tôt encore, avaient été honorés de la visite de Dieu qui leur aurait fait connaître l’avenir, comme il avait toujours fait avec ses amis les prophètes[1]. L’essentiel, pensait-on, était de ne rien leur prêter qui s’éloignât de l’enseignement traditionnel sur Dieu et sa conduite envers les hommes, surtout envers Israël.

Mais de quel droit assumait-on une mission au lieu d’attendre les communications divines ? On estimait que les temps l’exigeaient. Il fallait parler, il fallait ranimer l’espérance, encourager les bonnes volontés par la perspective de la prochaine intervention de Dieu. L’intention était louable, le procédé ne paraissait pas contraire à ce qu’exige la vérité. S’il est permis de mettre une leçon morale dans la bouche d’un Sage comme Salomon, et les catholiques l’admettent aujourd’hui sans difficulté pour le livre de la Sagesse, était-il reprochable de déduire les leçons religieuses du passé en présentant le passé et l’avenir comme une révélation faite en des temps très anciens ? La critique qui a ôté le masque à Hénoch, à Esdras, à Baruch, est souvent très indulgente pour les auteurs réels. Et c’est ainsi qu’un admirateur de Daniel, comme le Rév. Charles, opine ne pas déroger à sa haute valeur spirituelle en le regardant comme le premier des auteurs apocalyptiques. Il faudrait en venir là, si la personne de Daniel n’était pour rien dans son livre, de sorte que la question de savoir si le livre de Daniel est une prophétie ou une apocalypse équivaut à celle de le déclarer authentique ou écrit sous un nom supposé.

Sans trancher une question que nous n’avons pas à examiner ici, et en réservant, comme nous l’avons fait, l’existence certaine de morceaux émanés du Daniel de l’histoire, nous retenons cependant que, le livre

  1. Amos, iii, 7.