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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/112

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eût-il été composé au temps d’Antiochus Épiphane, son auteur n’aurait encouru aucun blâme en recourant au seul moyen de donner à ses contemporains une leçon urgente. Que d’ailleurs il ait réellement été éclairé de Dieu comme un prophète, c’est ce que prouve sa prophétie elle-même, parfaitement réalisée, soit dans l’échec d’Antiochus, soit dans la fondation du règne de Dieu par le Fils de l’homme.

Laissons donc Daniel dans sa hauteur. Il fut le premier à envisager l’histoire mondiale tout entière comme une préparation au règne de Dieu, à souder discrètement cette splendide aurore aux espérances d’Israël, à user avec profusion de termes symboliques, à conduire le dessein de Dieu sur les hommes jusqu’au seuil de l’éternité : cela peut s’appeler inaugurer l’apocalyptique, tout en demeurant sur le terrain de la prophétie.

D’autres se sont essayés à cette tâche avec moins de bonheur. Ce sont les traits généraux de leurs ouvrages que nous voudrions esquisser. Nous avons ici en vue le livre d’Hénoch, le livre des secrets d’Hénoch, le livre des Jubilés, divers passages des Livres sibyllins, l’Assomption de Moïse, les Testaments des douze patriarches, l’Apocalypse d’Esdras, appelée aussi le IVe livre d’Esdras, l’Apocalypse de Baruch, l’Apocalypse d’Abraham, quoique nous n’ayons l’intention d’insister ensuite que sur les ouvrages antérieurs à la prédication de l’Évangile.

Dans cette étude rapide, deux points doivent être nettement distingués : les doctrines que mettent en œuvre les apocalypses, et leur genre littéraire. Trop souvent on a confondu, et l’on a fait de certaines doctrines générales le propre des voyants. En réalité elles étaient déjà acquises et répandues, et formaient la base de l’enseignement de la morale pratique. Cependant ces applications ne nous sont connues que par les dires des rabbins reproduits dans les œuvres postérieures avec leur caractère de cas de conscience concrets. On fait donc bien à tort de certaines spéculations l’apanage de l’apocalyptique, parce que c’est elle qui nous les a présentées la première et plus distinctement sous leur aspect général.


§ 1. Genre littéraire des Apocalypses[1].


L’apocalypse regarde l’avenir, et surtout l’avenir des derniers jours. C’est en cela qu’elle se rattache à la prophétie, et pourtant elle s’en distingue. L’antique prophétie, compagne des destinées d’Israël, était solidement établie dans le présent. Elle dénonçait les vices, suggérait les remèdes, annonçait les crises fatales où s’exercerait le jugement de Dieu, se résolvant en miséricorde après le repentir. Isaïe flagelle les ivrognes

  1. D’après Le Messianisme, p. 39 ss.