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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/113

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d’Éphraïm[1], accable de ses sarcasmes Sobna, le maître de chambre[2], oppose à la réserve insolente d’Achaz l’immutabilité des promesses de Dieu[3]. On le voit circuler dans Jérusalem, annonçant par son costume le destin de l’Égypte, menacée par le Tartan de Sargon. Quand l’invasion de Sennachérib déferle sur Juda, il inspire confiance dans le salut, mais il dénonce au roi l’imprudence de sa confiance envers le roi de Babylone, plus à redouter dans l’avenir que le roi d’Assyrie[4]. S’il est homme politique, puissant par sa seule parole, comme un Démosthène à Athènes, sa parole est celle de Dieu : il ne déduit pas les événements des dispositions du peuple, mais des desseins arrêtés du Seigneur, que seule la pénitence peut fléchir. Tous les anciens prophètes sont des hommes d’action et cependant le salut, promis par Dieu, affirmé par eux de sa part, était toujours le terme de cette action elle-même.

L’apocalypse ne faisait que suivre cette voie. Le voyant toutefois ne se mêlait pas en personne aux événements par un rôle actif. Les faux prophètes avaient fatigué la nation par leurs assurances précises d’événements qui ne se réalisaient jamais. Et ces événements eux-mêmes, guerres plus ou moins heureuses engagées dans un intérêt des partis ou des personnes aussi bien que pour la cause nationale, tractations diplomatiques plus ou moins droites, si souvent censurées par les prophètes, politique profane et de courte vue, tout cela s’effaçait dans ces âmes religieuses passionnées pour la grande espérance de l’avenir, quand Dieu entrerait en scène. L’horizon s’est agrandi. Les petites querelles disparaissent dans les conflits mondiaux. Le voyant renonce nécessairement à être acteur puisqu’il se dissimule, il n’est plus que spectateur des scènes qui se déroulent devant son esprit.

L’univers étant le cadre, la perspective se prolonge aussi dans le temps, depuis les origines jusqu’à la fin de cet immense univers. Plus de voisins ennemis au premier plan dont on récite les noms connus dans les annales d’Israël, ou bien ces noms sont employés comme des symboles. On remonte plus haut, on va plus loin. Tout s’estompe. Les espérances ne se rattachent plus qu’à la fin des temps, ou, plus vaguement encore, à ce temps-là, à ce jour-là, à l’heure de Dieu, comme disaient les anciens.

Le témoin d’un pareil spectacle était censé dominer tous les temps.

C’était un héros des temps primitifs. On remonta à Adam lui-même, à Noé, et si le peuple d’Israël demeurait au premier plan, on mit en scène son ancêtre Abraham, ou le restaurateur du temps de la captivité,

  1. Is., xxviii.
  2. Is., xxii, 15-25.
  3. Is., vii, 11 ss.
  4. Is., xxxix, 5 ss.