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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/114

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Esdras ou le confident de Jérémie, Baruch. Hénoch était le type de ces apôtres de l’au-delà. A la veille du déluge, ce grand jugement qui avait frappé l’humanité primitive, il avait été enlevé pour continuer à vivre auprès de Dieu. Il était naturel de mettre dans sa bouche les plus graves avertissements et d’entendre de lui la description des choses célestes.

Quel que soit le confident de Dieu, il avait été initié à ses secrets moins par une parole intérieure que par une série de visions. C’était une transformation de l’ancienne prophétie. Ordinairement l’envoyé de Dieu se bornait à dire : Voici ce que m’a dit Iahvé. Les visions ne jouaient qu’un rôle secondaire, si brillant qu’il fût. Isaïe avait vu Dieu manifesté et voilé par des Séraphins[1]. Amos, Jérémie, et surtout Zacharie, plus récent, avaient vu en mouvement des objets qui figuraient comme symboles. Manifestés par une vision imaginaire, ces objets appartenaient cependant à la nature : c’étaient une branche d’amandier[2], une chaudière[3], un cordeau de maçon[4], des chevaux de diverses couleurs[5], un arpenteur qui mesurait un temple encore à bâtir[6]. Tout cela est de la vie quotidienne, ou du moins se passe sur la terre : c’est dans le Temple qu’Isaïe a vu Dieu.

Ainsi la vision n’est pour le prophète qu’un secours accidentel pour rendre l’enseignement de Dieu plus sensible. La parole intérieure demeure le principal. Dans l’apocalyptique l’enseignement tout entier se donne par vision : si une parole intervient pour expliquer la vision, c’est ordinairement celle d’un ange. Et comme les choses sont encore cachées dans l’avenir, visibles seulement par des symboles, ou par leurs types célestes eux-mêmes, la parole est impuissante à les exprimer. Peu importe d’ailleurs leur forme naturelle : il serait inutile de la décrire avec précision, puisqu’elle peut à peine donner une idée de ce qui est ineffable et incompréhensible. Aussi l’auteur aura recours à des comparaisons, à des images fort imparfaites, qui l’obligent sans cesse à protester de leur insuffisance : c’est comme un homme, comme un feu, comme de la neige.

Ainsi les choses s’éloignaient de leur réalité pour se revêtir de symboles. Et cette loi, naturelle pour des choses indistinctes par leur sublimité ou leur éloignement dans l’avenir, s’imposait même au personnage du voyant qu’on avait choisi dans le passé.

Hénoch, qui racontait toute l’histoire des Israélites, était censé l’avoir

  1. Is., vi.
  2. Jer., i, 11.
  3. Jer., i, 13.
  4. Am., vii, 7.
  5. Zach., i, 8 ss.
  6. Ezech., xl, 3.