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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/173

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prison ; quand il mourut, sa veuve Salomé-Alexandra l’éleva au pouvoir et lui donna sa main.

Au dehors il lutta contre Ptolémée Lathure, roi de Chypre, et s’étant mis sous la protection de Cléopâtre sa mère et son ennemie, reine d’Égypte, il se trouva à la merci de cette étrangère, ne tenant son indépendance que de sa modération.

En même temps que les Juifs, et pour les mêmes causes, les Arabes d’outre-Jourdain, nommés les Nabatéens, devenaient un royaume assez puissant. Alexandre pénétra chez eux et se fit battre.

Mais il ne désespéra jamais, multiplia les attaques et les contre-attaques, si bien qu’à sa mort il avait agrandi considérablement l’État juif. La Galilée lui était soumise, et au delà du Jourdain Gadara, dominant de loin le lac de Tibériade dans une position très forte, Gamala et Dium, situées au-dessus du lac, Pella le long du Jourdain, Gérasa à une journée de marche à l’est. Au sud il s’était emparé de Gaza, sans réussir à forcer Ascalon et, sauf ce point, il possédait toute la côte de l’Égypte au Carmel.

Plusieurs des villes conquises par Alexandre Jannée, surtout à l’est du Jourdain et du lac de Gennésareth, étaient tout à fait hellénisées : celles qui refusèrent la circoncision furent menacées d’extermination, ce qui permit aux Romains de se présenter en libérateurs et en restaurateurs.

Et cependant ce Roi-Grand prêtre, d’un prosélytisme si ardent, fut engagé dans une guerre sans merci avec son propre peuple, soulevé contre lui par les Pharisiens. Sans insister sur la querelle tragi-comique d’Alexandre avec son beau-frère Simon ben Shetaḥ, historiette rabbinique sans valeur[1], nous tenons pour historique cette scène de la fête des Tabernacles où le Grand prêtre officiant fut bombardé, par les cédrats[2] que chacun tenait à la main avec une palme. Faut-il croire que l’indignation éclata parce qu’il avait versé à terre et non sur l’autel l’eau des libations[3], ou n’était-ce pas plutôt l’occasion offerte à une haine longtemps comprimée ? Schürer a pensé que les Pharisiens ne pouvaient voir sans irritation un guerrier souillé de sang célébrer le culte dans le sanctuaire. Il ajoute, et ce n’est qu’une conjecture, que sans doute il ne se souciait pas de l’observation exacte des cérémonies[4]. Ils avaient surtout sur le cœur la sentence d’Hyrcan, qui déclarait leurs décisions sans force obligatoire, confirmée et rendue plus odieuse par le mépris que faisait Alexandre de leur politique et de leurs conseils. Peu à peu ils

  1. C’est l’opinion de Schürer qui cependant la raconte (I, p. 279). Derenbourg (Essai…, p. 96 ss.) semble la prendre au sérieux (d’après Bereshit Rabba, c. XCI).
  2. On cultive encore avec soin à Jaffa une sorte de cédrats, à côtes, nommés « cédrats de prière », et qui se vendent un prix exorbitant si le pistil s’est conservé au bout du fruit.
  3. Sukka 48b d’un sadducéen qui n’est pas nommé.
  4. Schürer, I, 280.