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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/60

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Le point de départ était la première prise de Jérusalem sous le roi Ioakim, vers 606 av. J.-C. Que cet oracle ait été réellement proféré par Jérémie, c’est ce que prouve la tradition juive qui le crut réalisé à la lettre au temps de Cyrus[1], et plus encore peut-être le soin de Daniel de lui donner une nouvelle extension par sa prophétie des soixante-dix semaines[2].

Lorsque soixante années se furent écoulées, l’attention devint fébrile. Le monde paraissait agité de nouvelles secousses. Où était le prophète ? Car, selon l’oracle de l’antique Amos :

Le Seigneur Iahvé ne fait rien,
sans qu’il ait révélé son secret
à ses serviteurs, les prophètes.
Le lion a rugi qui ne craindrait ?[3].

La voix qui s’éleva cette fois paraissait sortir de la tombe. Elle fait partie de la collection des oracles attribués au grand prophète Isaïe, et l’autorité compétente dans l’Église a jugé qu’il n’y avait pas de raisons suffisantes pour renoncer à cette tradition. Et, en effet, il n’est pas douteux qu’Isaïe, en pleine période assyrienne, a reproché au roi Ézéchias sa confiance imprudente envers Mérodak-Baladan, roi de Babylone. Sauvée d’Assur par un miracle de Iahvé, la maison de David serait emmenée captive à Babylone[4].

Le prophète du salut ne devait pas s’arrêter à cette sombre perspective. La captivité ne serait que le prélude du retour, dans une manifestation incomparable de la bonté de Dieu pour son peuple. Si précise est la vue des circonstances de la chute de Babylone, avec le nom du vainqueur Cyrus écrit en toutes lettres, que la critique moderne se refuse à dater d’un temps si ancien une prophétie dont ni Jérémie, ni Ézéchiel ne semblent avoir tenu compte. On comprend cependant qu’elle ait été presque oubliée au moment où il importait avant tout de prévenir la faute d’une révolte contre les Chaldéens. Plus tard, quand eux aussi ont prêché l’espérance, Jérémie et Ézéchiel s’appuyaient sur une communication directe de Dieu qui autorisait leur mission. C’était l’usage des prophètes, organes d’une révélation vivante, et non point exégètes des oracles anciens.

Ce que la critique de tout acabit doit retenir en toute hypothèse, c’est l’émotion de ces discours pathétiques, qui suivent comme au jour le jour la marche des événements, ou plutôt qui les précèdent toujours, qui en annoncent le résultat pour les captifs avec une certitude fondée sur l’affir-

  1. II Par., xxxvi, 21 et I Esdr., i, 1.
  2. Dan., ix, 2.
  3. Am., iii, 7 s.
  4. Is., xxxix, 5 ss.