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Page:Le judaïsme avant Jésus-Christ.pdf/629

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des Trois à Abraham, ou l’Incarnation et la Rédemption par quelques prophéties isolées. Le Juif sourit : ce n’est jamais assez clair. Et il faut que ce soit très clair pour que la raison soit obligée de se soumettre à des mystères qui la confondent un peu par certains côtés, s’ils la satisfont par d’autres, en la dépassant toujours.

En vain essaierait-on de faire un faisceau de toutes les prophéties messianiques, d’en dégager une image qui serait d’avance celle de Jésus-Christ. Outre que les purs rationalistes nous demanderaient de quel droit nous groupons les vues de tant de voyants, séparés par tant de siècles, les Juifs, qui ne nient pas l’unité des conceptions dans l’Esprit qui a inspiré l’Écriture, nous rappelleraient, le cœur plein d’amertume, que les prophéties les plus évidentes de leur prospérité et de leur gloire n’ont jamais été réalisées pour eux. Leur dirons-nous d’attendre un millénarisme à venir ? Ils nous répondront que nous renonçons donc à l’exégèse de l’Église qui a toujours entendu ces prophéties dans un sens spirituel. Bien à tort d’ailleurs, selon eux, puisque l’Écriture n’impose pas ce sens qui est pour eux une duperie.

Ce seul point suffit à marquer ce sur quoi il faut être d’accord. Le Christianisme n’est pas sorti et ne pouvait sortir de la Révélation ancienne par voie de pure interprétation, ajoutons pour plus de netteté : « rationnelle ». Tant que saint Paul a interprété l’Ancien Testament par lui-même et en Pharisien, il est demeuré Pharisien. Pour le bien comprendre, il lui a fallu une révélation nouvelle, celle de Jésus-Christ. Jésus-Christ n’est pas seulement la réalisation des prophéties, il leur donne plus de lumière. Il n’est pas seulement le point où la Révélation aboutit, il la complète, il lui donne son efficacité. Il rejoint l’Ancien Testament par dessus le Judaïsme et révèle son vrai sens qui était encore voilé.

N’y a-t-il pas là une pétition de principes, à laquelle le Juif se refuse avec raison ?

Non, car son Écriture lui avait dit de croire au Prophète qui serait envoyé par Dieu, à celui qu’il attendait avec passion comme le Messie. Il n’avait qu’à constater si Jésus était un prophète accrédité par Dieu, et à recevoir de lui ce supplément de lumière qui donnait tout son prix à l’ancienne lumière, comme l’aurore servirait de peu si elle n’aboutissait au jour.

Pourquoi donc le pharisaïsme était-il mal disposé à entendre Jésus, à le croire lorsqu’il se donnait comme le Messie, véritable Fils de Dieu ?

C’est qu’il y a une grande différence entre la Révélation ancienne et le Judaïsme palestinien. Nous laissons de côté Philon, hors de combat. Si l’Ancien Testament ne contenait pas toute la Révélation accordée par Jésus et par l’Esprit-Saint aux Apôtres, il la préparait, il la contenait, dirait