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les mille nuits et une nuit

sauraient l’estimer avec leur esprit grossier ; les hypocrites, qui en seraient offusqués ; les maîtres d’école, qui, impuissants et épais, ne la comprendraient pas ; les idiots, car ils sont comme les maîtres d’école ; et les mécréants, qui n’en pourraient tirer un enseignement profitable ! » Et le mamelouk s’écria : « Je le jure devant la face d’Allah et devant toi, ô mon maître ! » Puis il déroula sa ceinture et en tira un sac qui contenait mille dinars d’or, et le remit au cheikh Ishak. Et le cheikh, à son tour, lui présenta un encrier et un calam, et lui dit : « Écris ! » Et il se mit à lui dicter, mot par mot, toute l’histoire des Aventures de Hassân Al-Bassri, telle qu’elle lui avait été transmise par le derviche. Et cette dictée dura sept jours et sept nuits, sans discontinuer. Après quoi, le mamelouk relut ce qu’il avait écrit devant le cheikh, qui rectifia divers passages et en corrigea les fautes d’écriture. Et le mamelouk Mobarak, à la limite de la joie, baisa la main du cheikh et, après lui avoir fait ses adieux, se hâta de prendre le chemin du Khorassân. Et comme le bonheur le rendait léger, il ne mit, pour y arriver, que la moitié du temps qu’il fallait d’ordinaire aux caravanes.

Or, il ne restait plus que dix jours pour que l’année fixée comme délai par le roi expirât, et pour que le pal fût dressé, pour le supplice d’Abou-Ali, devant la porte du Palais. Et l’espérance s’était tout à fait évanouie de l’âme de l’infortuné conteur, et il avait fait assembler tous ses parents et ses amis pour qu’ils l’aidassent à supporter, avec moins de terreur, l’heure effroyable qui l’attendait. Et voici qu’au milieu des lamentations, le mamelouk Mobarak,