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histoire de la jambe de mouton
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l’obéissance, en agréant tout de suite la proposition, et se préparèrent aussitôt à lutter de dextérité.

Or, ce fut l’escamoteur Akil qui débuta, en se rendant avec son associé Haram dans le souk des changeurs. Et là, il lui montra du doigt un vieux Juif qui se promenait d’une boutique à l’autre avec lenteur, et dit : « Tu vois, ô Haram, ce fils de chien ! Or, moi, avant qu’il ait achevé sa tournée de changeur, je me fais fort de le forcer à me donner son sac, rempli d’or, de changeur ! » Et, ayant ainsi parlé, il s’approcha, léger comme une plume, du Juif en tournée, et lui subtilisa le sac rempli de dinars d’or qu’il portait avec lui. Et il s’en revint vers son compagnon qui d’abord, pris d’une peur extrême, voulut l’éviter pour ne pas risquer d’être arrêté avec lui comme complice, mais qui, ensuite, émerveillé d’un coup si adroit, se mit à le féliciter de la dextérité dont il venait de faire preuve, et lui dit : « Par Allah ! je crois bien que jamais je ne pourrai, de mon côté, accomplir un exploit si brillant ! Je croyais que voler un Juif était une chose au-dessus des forces d’un Croyant ! » Mais l’escamoteur se prit à rire et lui dit : « Ô pauvre ! » cela n’est qu’un commencement, car ce n’est pas ainsi que je prétends m’approprier le sac du Juif ! Car la justice pourrait un jour ou l’autre être mise sur ma piste et me forcer à rendre gorge. Mais je veux devenir le propriétaire légal du sac avec son contenu, en m’y prenant de manière à ce que le kâdi lui-même m’adjuge le bien de ce Juif farci d’or ! » Et, ce disant, il s’en alla dans un coin retiré du souk, ouvrit le sac, compta les pièces d’or qu’il contenait, en ôta dix dinars et mit à