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les mille nuits et une nuit

mes larmes, et, tout en le priant de me pardonner, je lui pris les mains pour les baiser ; mais il ne voulut pas me laisser faire, et me serra dans ses bras, comme un frère fait pour son frère. Et je le conduisis vers ma maison.

Et, marchant ainsi avec le Bédouin, qui conduisait sa chamelle par le licou, mon cœur et mon esprit étaient torturés par l’idée que je n’avais rien pour traiter l’hôte. Et quand j’arrivai, je me hâtai d’apprendre à la fille de mon oncle la rencontre que je venais de faire ; et elle me dit : « L’étranger est l’hôte d’Allah, et le pain même des enfants est à lui ! Retourne donc vendre la robe que je t’ai donnée, et, avec l’argent que tu en tireras, achète de quoi nourrir notre hôte. Et s’il laisse des restes, nous en vivrons ! » Et moi, pour sortir, je dus passer par le vestibule où j’avais laissé le Bédouin. Et comme je cachais la robe, il me dit : « Mon frère, qu’as-tu donc sous ton habit ? » Et je répondis, en baissant la tête de confusion : « Ce n’est rien ! » Mais il insista, disant : « Par Allah sur toi, ô mon frère, je te supplie de me dire ce que tu portes sous ton vêtement ? » Et moi, bien embarrassé, je répondis : « C’est la robe de la fille de mon oncle, que je porte chez notre voisine, dont le métier est de raccommoder les robes ! » Et le Bédouin insista encore, et me dit : « Fais voir cette robe, ô mon frère ! » Et moi, rougissant, je lui montrai la robe ; et il s’écria : « Allah est clément et généreux, ô mon frère ! Voici que tu vas aller vendre à la criée la robe de ton épouse, la mère de tes enfants, pour accomplir envers l’étranger les devoirs de l’hospitalité ! » Et il m’embrassa