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les mille nuits et une nuit

alors que mon hôte ne plaisantait pas, mais qu’il était sérieusement décidé à m’acheter, je pensai en mon âme : « C’est Allah qui t’envoie ce Bédouin pour sauver tes enfants de la faim et de la misère, ya cheikh Hassân ! Si ta destinée est d’être coupé en morceaux, tu ne peux lui échapper ! » Et je répondis : « Ô frère Arabe, j’agrée ma vente ! Mais permets-moi seulement de consulter ma famille à ce sujet ! » Et il me répondit : « Fais-le ! » Et il me quitta et sortit pour aller à ses affaires.

Or moi, ô roi du temps, j’allai trouver ma mère, mon épouse et mes enfants, et je leur dis : « Allah vous sauve de la misère ! » Et je leur racontai la proposition du Bédouin. Et, en entendant mes paroles, ma mère et mon épouse, se meurtrirent le visage et la poitrine en s’écriant : « Ô calamité sur notre tête ! Que veut te faire ce Bédouin ? » Et les enfants coururent à moi, et s’attachèrent à mes vêtements. Et tous pleuraient. Et mon épouse, qui était sage et de bon conseil, reprit : « Qui sait si ce Bédouin maudit ne va pas, si tu t’opposes à ta vente, réclamer ce qu’il a dépensé ici. Aussi, pour n’être pas pris au dépourvu, il faut que tu ailles au plus vite trouver quelqu’un qui consente à acheter cette chétive maison, le dernier bien qui te reste, et, avec l’argent qu’elle te rapportera, tu t’acquitteras envers ce Bédouin. Et de la sorte tu ne lui devras rien, et tu restes libre de ta personne. » Et elle éclata en sanglots, pensant voir déjà nos enfants sans asile, dans la rue. Et, moi, je me mis à réfléchir sur la situation, et j’étais à la limite de la perplexité. Et je pensais sans cesse : « Ô Hassân Abdallah, ne dédaigne pas