Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 12, trad Mardrus, 1903.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
les clefs du destin
135

l’occasion qu’Allah t’envoie ! Avec la somme que t’offre le Bédouin pour ta vente, tu assures le pain de ta maison ! » Puis je pensais : « Certes ! certes ! mais pourquoi veut-il t’acheter ? Et que veut-il faire de toi ? Si encore tu étais jeune et imberbe ! Mais ta barbe est comme la traîne d’Agar ! et tu ne tenterais même pas un indigène de la Haute-Égypte ! C’est donc qu’il veut ta mort en plusieurs fois, puisqu’il te paie suivant la seconde condition ! »

Pourtant, quand le Bédouin, vers le soir, fut rentré à la maison, mon parti était pris et ma décision arrêtée. Et je le reçus d’un visage souriant, et, après les salams, je lui dis : « Je t’appartiens ! » Alors il défit sa ceinture, en tira mille cinq cents dinars d’or, et me les compta, en disant : « Prie sur le Prophète, ya Hassân Abdallah ! » Et je répondis ; « Sur lui la prière, la paix et les bénédictions d’Allah ! » Et il me dit : « Eh bien, mon frère, maintenant que tu es vendu, tu peux être sans crainte, car ta vie sera sauve et ta liberté entière. J’ai seulement désiré, en faisant ton acquisition, avoir un compagnon agréable et fidèle pour le long voyage que je veux entreprendre. Car tu sais que le Prophète — qu’Allah l’ait en Sa grâce — a dit : « Un compagnon est la meilleure provision pour la route ! »

Alors moi, bien joyeux, j’entrai dans la chambre où se tenaient ma mère et mon épouse, et je mis devant elles, sur la natte, les mille cinq cents dinars de ma vente. Et elles, à cette vue, sans vouloir écouter mes explications, se mirent à jeter les hauts cris, en s’arrachant les cheveux et en se lamentant, comme on fait sur le cercueil des morts. Et elles