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les mille nuits et une nuit

rais ces choses que mon maître était seul à connaître. Et mon ignorance fut la cause de tous mes malheurs. Mais les malheurs, comme les bonheurs, nous viennent d’Allah le Rétributeur. Et la créature doit les accepter avec humilité.

Donc, ô roi du temps, lorsque nous fûmes arrivés au pied de la colonne, mon maître le Bédouin fit agenouiller sa chamelle et mit pied à terre. Et je fis comme lui. Et là, mon maître tira de son étui un arc d’une forme étrangère, et y plaça une flèche. Et il banda l’arc et lança la flèche vers le jeune homme en cuivre rouge. Mais, soit par maladresse réelle, soit par maladresse feinte, la flèche n’atteignit pas à la hauteur du but. Et le Bédouin me dit alors : « Ya Hassân Abdallah, c’est maintenant que tu peux t’acquitter envers moi, et, si tu le veux, racheter ta liberté. Je sais, en effet, que tu es fort et adroit, et toi seul peux atteindre le but. Prends donc cet arc et fais en sorte d’abattre ces clefs ! »

Alors moi, ô mon seigneur, heureux de pouvoir m’acquitter de ma dette et racheter ma liberté à ce prix, je n’hésitai pas à obéir à mon maître. Et je pris l’arc et, l’ayant examiné, je reconnus qu’il était de fabrique indienne et sorti des mains d’un ouvrier habile. Et, désireux de montrer à mon maître mon savoir et mon adresse, je bandai l’arc avec force et visai la main du jeune homme de la colonne. Et de ma première flèche je fis tomber une clef : et c’était la clef d’or. Et, bien fier et joyeux, je la ramassai et la présentai à mon maître. Mais il ne voulut point la prendre et, se récusant, me dit : « Garde-la pour toi, ô pauvre ! c’est le prix de ton adresse ! » Et moi je le