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les clefs du destin
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remerciai, et mis la clef d’or dans ma ceinture. Et je ne savais pas qu’elle était la clef des misères.

Ensuite, d’un second coup, je fis tomber encore une clef, qui était la clef d’argent. Et le Bédouin ne voulut point la toucher, et je la mis dans ma ceinture auprès de la première. Et je ne savais pas qu’elle était la clef des souffrances.

Après quoi, de deux autres flèches, je fis encore se décrocher deux clefs : la clef de fer et la clef de plomb. Et l’une était celle de la gloire, et l’autre celle de la sagesse et du bonheur. Mais je ne le savais pas. Et mon maître, sans me donner le temps de les lui ramasser, s’en empara en poussant des exclamations de joie, et en s’écriant : « Béni soit le sein qui t’a porté, ô Hassân Abdallah ! Béni soit celui qui a dressé ton bras et exercé ton coup d’œil ! » Et il me serra dans ses bras, et me dit : « Désormais tu es ton propre maître ! » Et je lui baisai la main, et voulus de nouveau lui rendre la clef d’or et la clef d’argent. Mais il refusa, en disant : « Elles sont à toi ! »

Alors, moi, je tirai de l’étui une cinquième flèche, et m’apprêtai à abattre la dernière clef, celle en cuivre chinois, que je ne savais pas être la clef de la mort. Mais mon maître s’opposa vivement à-mon dessein, en m’arrêtant le bras et s’écriant : « Que vas-tu faire, malheureux ? » Et moi, tout saisi, je laissai par inadvertance tomber la flèche à terre. Et précisément elle atteignit mon pied gauche et me le perça en y faisant une douloureuse blessure. Et ce fut le début de la série de mes malheurs !

Lorsque mon maître, affligé de mon accident, eut