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les mille nuits et une nuit

pansé le mieux qu’il pût ma blessure, il m’aida à remonter sur ma chamelle. Et nous continuâmes notre route.

Or, après trois jours et trois nuits d’une marche fort pénible pour mon pied blessé, nous arrivâmes à une prairie, où nous nous arrêtâmes pour passer la nuit. Et dans cette prairie il y avait des arbres d’une espèce que je n’avais jamais vue. Et ces arbres portaient de beaux fruits mûrs, dont l’apparence fraîche et charmante excitait la main à les cueillir. Et moi, pressé par la soif, je me traînai vers l’un de ces arbres, et me hâtai de cueillir un de ces fruits. Et il était d’une couleur rouge doré, et d’un parfum délicieux. Et je le portai à ma bouche et y mordis. Et là ! Voici que mes dents s’y attachèrent avec tant de force, que mes mâchoires ne purent se desserrer. Et je voulus crier, mais il ne sortit de ma bouche qu’un son inarticulé et sourd. Et j’étouffais horriblement. Et je me mis à courir de côté et d’autre, avec ma jambe boiteuse et le fruit dans mes mâchoires serrées, et à gesticuler comme un fou. Puis je me roulai par terre, avec les yeux hors de la tête.

Alors mon maître le Bédouin, me voyant dans cet état, eut d’abord bien peur. Et lorsqu’il comprit la cause de mon tourment, il s’approcha de moi et essaya de délivrer mes mâchoires. Mais ses efforts ne servirent qu’à augmenter mon mal. Et, voyant cela, il me laissa et alla ramasser, au pied des arbres, quelques-uns des fruits qui y étaient tombés. Et il les considéra attentivement, et finit par en choisir un et jeter les autres. Et il revint vers moi