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les clefs du destin
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service que je te demande ! Mais prends bien garde, ô fils d’El-Aschar, de te laisser surprendre par le sommeil. Car les émanations de cette terre sont malfaisantes à l’extrême, et ta santé en serait détériorée sans recours ! »

Alors moi, ô mon seigneur, malgré mon état de fatigue excessive et mes souffrances de toute espèce, je répondis par l’ouïe et l’obéissance, car je n’oubliai pas que le Bédouin avait donné du pain aux enfants, à l’épouse et à la mère ; et je pensai aussi que peut-être, si je refusais de lui rendre cet étrange service, il m’abandonnerait dans ces lieux sauvages.

Mettant donc ma confiance en Allah, je gravis la montagne, et, malgré l’état de mon pied et de mon ventre, j’arrivai au sommet vers le milieu de la nuit. Et le sol en était blanc et dénudé, sans un arbuste ni le moindre brin d’herbe. Et le vent glacé qui soufflait violemment sur ce sommet, et la fatigue de tous ces jours calamiteux, me jetèrent dans un engourdissement tel, que je ne pus m’empêcher de me laisser tomber à terre et, malgré les efforts de toute ma volonté, de m’endormir jusqu’au matin.

Lorsque je me réveillai, le soleil venait d’apparaître à l’horizon. Et je voulus aussitôt remplir les instructions du Bédouin. Je fis donc un effort pour sauter sur mes deux pieds, mais je retombai aussitôt, inerte, sur le sol ; car mes jambes, devenues grosses comme les jambes d’un éléphant, étaient flasques et douloureuses, et refusaient absolument de soutenir mon corps et mon ventre qui étaient enflés comme une outre. Et ma tête me pesait plus