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les mille nuits et une nuit

sur mes épaules que si elle était tout en plomb ; et je ne pouvais soulever mes bras paralysés.

Alors, dans ma crainte de déplaire au Bédouin, j’obligeai mon corps à obéir à l’effort de ma volonté et, malgré les souffrances horribles que j’éprouvais, je réussis à me tenir debout. Et je me tournai vers l’orient, et récitai la prière du matin. Et le soleil levant éclairait mon pauvre corps, et étendait son ombre démesurée vers l’occident.

Or, mon devoir accompli de la sorte, je songeai à descendre de la montagne. Mais sa pente était si rapide et j’étais si faible, qu’au premier pas que j’essayai, mes jambes fléchirent sous mon poids, et je tombai et roulai, comme une boule, avec une rapidité effrayante. Et les pierres et les épines, auxquelles désespérément j’essayais de m’accrocher, loin d’arrêter ma course, ne faisaient qu’arracher des lambeaux de ma chair et de mes vêtements. Et je ne cessai de rouler de la sorte, arrosant le sol de mon sang, que tout au bas de la montagne, à l’endroit où se trouvait mon maître le Bédouin.

Or, il était penché vers la terre et traçait des lignes sur le sable avec une si grande attention, qu’il ne s’aperçut guère de ma présence et ne vit point de quelle manière j’arrivais. Et lorsque mes gémissements répétés l’eurent arraché au travail où il était absorbé, il s’écria, sans se retourner vers moi et sans me regarder : « Al hamdou lillah ! Nous sommes nés sous une heureuse influence, et tout nous réussit ! Voici que grâce à toi, ya Hassân Abdallah, j’ai enfin pu découvrir ce que je cherchais depuis de longues années, en mesurant l’ombre