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les clefs du destin
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que projetait ta tête du haut de la montagne ! »

Puis il ajouta, toujours sans relever la tête : « Hâte-toi de venir m’aider à creuser le sol, là où j’ai planté ma lance ! » Mais comme je ne répondais que par un silence entrecoupé de lamentables gémissements, il finit par lever la tête, et se tourner de mon côté. Et il vit en quel état j’étais, immobile par terre et ramassé sur moi-même comme une boule. Et il s’avança vers moi, et me cria : « Imprudent Hassân Abdallah, voilà que tu as désobéi, et que tu as dormi sur la montagne. Et les vapeurs malfaisantes sont passées dans ton sang et t’ont empoisonné ! » Et, comme je claquais des dents et que j’étais pitoyable à voir, il se calma et me dit : « Oui ! mais ne désespère pourtant pas de ma sollicitude ! Je vais te guérir ! » Et, parlant ainsi, il tira de sa ceinture un couteau à la lame mince et tranchante, et, avant que j’eusse pu m’opposer à ses desseins, il m’incisa profondément, en plusieurs endroits, le ventre, les bras, les cuisses et les jambes. Et aussitôt il en sortit de l’eau en abondance ; et je désenflai comme une outre vidée. Et ma peau devint flottante sur mes os, comme un vêtement trop large acheté à l’encan. Mais aussi je ne tardai pas à être quelque peu soulagé ; et je pus, malgré ma faiblesse, me lever et aider mon maître dans le travail qu’il me réclamait.

Nous nous mimes donc à creuser la terre à l’endroit précis où était enfoncée la lance du Bédouin. Et nous ne tardâmes pas à découvrir un cercueil de marbre blanc. Et le Bédouin souleva le couvercle du cercueil, et y trouva quelques ossements humains et le manuscrit en peau de gazelle teinte en pourpre,