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les clefs du destin
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melle. Et je fus bien obligé de faire comme lui. Et nous continuâmes notre route du côté de l’orient, en contournant les flancs de la montagne.

Et nous voyageâmes encore pendant trois jours et trois nuits. Et le quatrième jour, au matin, nous aperçûmes devant nous, à l’horizon, comme un large miroir qui reflétait le soleil. Et, en approchant, nous vîmes que c’était un fleuve de mercure qui nous barrait la route. Et il était traversé par un pont de cristal sans balustrade, si étroit, si rapide et si glissant, qu’un homme doué de raison ne pouvait essayer d’y passer.

Mais mon maître le Bédouin, sans hésiter un moment, mit pied à terre et m’ordonna de faire de même, et de desseller les chamelles pour les laisser brouter l’herbe en liberté. Puis il prit, dans la besace, des babouches de laine, dont il se chaussa, et m’en donna une paire, m’ordonnant de l’imiter. Et il me dit de le suivre, sans regarder à droite ni à gauche. Et, d’un pas ferme, il passa le pont de cristal. Et moi, tout tremblant, je fus bien obligé de le suivre. Et Allah, cette fois, ne m’écrivit pas la mort par noyade dans le mercure. Et j’arrivai avec moi-même en entier sur l’autre bord.

Or, après quelques heures de marche dans le silence, nous arrivâmes à l’entrée d’une vallée noire, environnée de tous côtés de rochers noirs, et où ne croissaient que des arbres noirs. Et, à travers le feuillage noir, je vis glisser d’épouvantables gros serpents noirs couverts d’écailles noires. Et, saisi de terreur, je tournai le dos pour fuir ce lieu d’horreur. Mais je ne pus découvrir le côté par où j’étais