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les clefs du destin
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tenu dans le vase de fer, et y joignit le cœur et la cervelle du serpent à cornes. Et il mit le vase sur le feu, et, ouvrant le manuscrit en peau de gazelle, il lut des paroles inintelligibles pour mon entendement.

Et soudain il se leva sur ses deux pieds, se dépouilla les épaules comme le font les pèlerins de la Mecque au départ, et, trempant un bout de sa ceinture dans le sang du Phénix mélangé à la cervelle et au cœur du serpent, il m’ordonna de lui en frotter le dos et les épaules. Et je me mis en devoir d’exécuter l’ordre. Et, au fur et à mesure que je le frottais, je vis la peau de son dos et de ses épaules se gonfler et éclater, pour en laisser lentement sortir des ailes qui, grandissant à vue d’œil, descendirent bientôt jusqu’à terre. Et le Bédouin les agita avec force, à même le sol, et tout d’un coup, prenant son élan, il s’éleva dans les airs. Et moi, préférant mille morts plutôt que d’être abandonné en ces lieux sinistres, je fis appel à ce qui me restait de force et de courage, et je me cramponnai fortement à la ceinture de mon maître, dont le bout pendait par bonheur. Et je fus emporté avec lui hors de cette vallée noire d’où je n’espérais plus sortir. Et nous arrivâmes dans la région des nuages.

Or je ne puis te dire, ô mon seigneur, combien de temps dura notre course aérienne. Mais je sais que nous nous trouvâmes bientôt au-dessus d’une plaine immense dont l’horizon était au loin fermé par une enceinte de cristal bleu. Et le sol de cette plaine semblait formé de poudre d’or, et ses cailloux de pierres précieuses. Et au milieu de cette