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les clefs du destin
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incrusté de rubis et de perles. Et sur le trône il y avait un petit coffret d’or.

Or, c’est précisément ce coffret, ô roi du temps, qui est maintenant entre tes mains.

Et le Bédouin, mon maître, prit le coffret et l’ouvrit. Et il y trouva une poudre rouge, et s’écria : « Voici le Soufre rouge, ya Hassân Abdallah ! C’est la Kimia des savants et des philosophes, qui sont tous morts sans la trouver ! » Et moi je dis : « Jette cette vile poussière, ô mon maître, et remplissons plutôt ce coffret avec les pierreries dont regorge ce palais ! » Et mon maître me regarda avec commisération et me dit : « Ô pauvre ! Cette poussière-là est la source même de toutes les richesses de la terre ! Et un seul grain de cette poussière suffit pour transmuer en or les plus vils métaux. C’est la Kimia ! C’est le Soufre rouge, ô pauvre ignorant ! Avec cette poudre, si je veux, je construirai des palais plus beaux que celui-ci, je fondrai des villes plus magnifiques que celle-ci, j’achèterai la vie des hommes et la conscience des purs, je séduirai la vertu elle-même, et je me ferai roi fils de roi ! » Et je lui dis : « Et peux-tu, ô mon maître, avec cette poudre-là, prolonger ta vie d’un seul jour, où effacer une heure de ton existence passée ? » Et il me répondit : « Allah seul est grand ! »

Et moi, n’étant pas certain de l’efficacité des vertus de ce Soufre rouge-là, je préférai plutôt ramasser les pierres précieuses et les perles. Et j’en avais déjà rempli ma ceinture, mes poches et mon turban, quand mon maître me cria : « Malheur sur toi, homme à l’esprit grossier ! Que fais-tu là ? Ignores-tu