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les mille nuits et une nuit

passer devant leurs yeux des adolescentes, belles comme les houris, achetées au poids de l’or dans les marchés de l’Égypte, de la Perse et de la Syrie. Et quand l’un des convives jetait un regard de désir sur l’une d’elles, mon maître la prenait par la main et, la présentant à celui qui la désirait, il lui disait : « Ô mon seigneur, oblige-moi en conduisant cette esclave dans ta maison ! » Et de la sorte, tous ceux qui l’approchaient devenaient ses amis. Et on ne l’appelait plus que l’Émir Magnifique.

Or un jour, mon maître, qui venait souvent me visiter dans le pavillon où mes souffrances me forçaient à vivre solitaire, arriva à l’improviste, amenant avec lui une jeune fille nouvelle. Et il avait une figure éclairée par l’ivresse et le plaisir, et des yeux exaltés qui brillaient d’un feu extraordinaire. Et il vint s’asseoir tout près de moi, prit la jeune fille sur ses genoux, et me dit : « Ya Hassân Abdallah, je vais chanter ! Tu n’as pas encore entendu ma voix. Écoute ! » Et, me prenant la main, il se mit à chanter ces vers d’une voix extatique, en dodelinant de la tête :

« Jeune fille, viens ! Le sage est celui qui laisse la joie seule occuper sa vie.

Que les gens religieux gardent l’eau pour la prière,

Toi, verse-moi de ce vin qui rendra plus exquise la rougeur de tes joues.

J’en veux boire jusqu’à perdre la raison !

Mais bois d’abord, bois sans crainte, et donne-moi la coupe que tes lèvres parfument,