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les clefs du destin
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Nous n’avons pour témoins que les orangers qui jettent leurs parfums aux vents, et les ruisseaux rieurs qui s’enfuient.

Que ta voix me chante des choses passionnées, et les rossignols jaloux seront muets.

Mais chante sans crainte, chante-moi des choses passionnées, je suis seul à t’écouter.

Et tu n’entendras d’autre bruit que celui des roses qui s’ouvrent, et le battement de mon cœur.

Je suis seul à t’écouter, je suis seul à te voir, ô ! laisse tomber ton voile.

Nous n’avons pour témoins de nos plaisirs que la lune et ses compagnes,

Et penche-toi, et laisse-moi baiser ton front ! Laisse-moi baiser ta bouche et tes yeux, et ton sein blanc comme la neige.

Ah ! penche-toi sans crainte, nous n’avons pour témoins que les jasmins et les roses.

Viens dans mes bras, l’amour m’embrase, je n’en peux plus !

Mais avant tout, baisse ton voile, car Allah, s’il nous voyait, serait jaloux. »

Et, ayant ainsi chanté, le Bédouin, mon maître, poussa un grand soupir de bonheur, pencha la tête sur sa poitrine et parut s’endormir. Et l’adolescente qui était sur ses genoux se désenlaça de ses bras, pour ne pas troubler son repos, et s’esquiva légèrement. Et moi, je m’approchai de lui pour le couvrir et soutenir sa tête d’un coussin, et je m’aperçus que son souffle avait cessé ; et je me penchai vers lui, à la limite de l’anxiété, et je constatai qu’il avait trépassé