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les mille nuits et une nuit

comme les prédestinés, en souriant à la vie ! Qu’Allah l’ait en sa compassion.

Alors, moi, le cœur serré de la disparition de mon maître qui, malgré tout, avait toujours été pour moi plein de sérénité et de bienveillance, et oubliant que tous les malheurs s’étaient appesantis sur ma tête du jour où je l’avais rencontré, j’ordonnai qu’on lui fit des funérailles magnifiques. Je lavai moi-même son corps dans les eaux odoriférantes, je fermai soigneusement avec du coton parfumé toutes ses ouvertures naturelles, je l’épilai, je peignis avec soin sa barbe, je teignis ses sourcils, je noircis ses cils, et je rasai sa tête. Puis je le recouvris, en guise de linceul, d’un tissu merveilleux qui avait été ouvragé pour un roi de la Perse, et je le mis dans un cercueil de bois d’aloès incrusté d’or.

Après quoi, je convoquai les nombreux amis que mon maître s’était faits par sa générosité ; et j’ordonnai à cinquante esclaves, tous revêtus d’habits de circonstance, de porter tour à tour le cercueil sur leurs épaules. Et, le convoi formé, nous sortîmes vers le cimetière. Et un nombre considérable de pleureuses, que j’avais payées à cet effet, suivaient le convoi, en jetant des cris plaintifs et agitant leurs mouchoirs au-dessus de leurs têtes, tandis que les lecteurs du korân ouvraient la marche en chantant les versets sacrés, auxquels la foule répondait, en répétant ; « Il n’y a de Dieu qu’Allah ! Et Môhammad est l’envoyé d’Allah ! » Et tous les musulmans qui passaient s’empressaient de venir aider à porter le cercueil, ne fût-ce qu’en le touchant de la main. Et nous l’ensevelîmes au milieu des lamentations de