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les clefs du destin
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tout un peuple. Et je fis égorger sur son tombeau un troupeau entier de moutons et de jeunes chameaux.

Or, ayant rempli de la sorte mon devoir à l’égard de mon défunt maître, et fini de présider au festin des funérailles, je m’isolai dans le palais pour commencer à mettre en ordre les affaires de la succession. Et mon premier soin fut de commencer par ouvrir le coffret d’or, pour voir s’il renfermait encore de la poudre de Soufre rouge. Mais je n’y trouvai que le peu qui y reste maintenant, et que tu as sous les yeux, ô roi du temps. Car mon maître avait déjà, grâce à ses prodigalités inouïes, tout épuisé pour transmuer en or des quintaux et des quintaux de plomb. Mais le peu qui se trouvait encore dans le coffret pouvait suffire à enrichir le plus puissant des rois. Et je n’étais point inquiet à ce sujet. Et d’ailleurs je ne me souciais plus guère des richesses, dans l’état pitoyable où je me trouvais. Toutefois, je voulus savoir ce que contenait le manuscrit mystérieux en peau de gazelle, que mon maître n’avait jamais voulu me laisser lire, bien qu’il m’eût enseigné à déchiffrer les caractères talismaniques. Et je l’ouvris et le parcourus. Et c’est alors seulement, ô mon seigneur, que j’appris, entre autres choses extraordinaires que je te dirai un jour, les vertus fastes et néfastes des cinq clefs du destin. Et je compris que le Bédouin ne m’avait acheté et emmené avec lui que pour se soustraire aux tristes propriétés des deux clefs d’or et d’argent, en usant sur moi leurs mauvaises influences. Et je dus appeler à mon aide toutes les belles pensées du Prophète — sur Lui la