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les mille nuits et une nuit

d’Allah, fort adonné au haschisch. Et lorsqu’il eut reconnu, d’un seul regard jeté sur le pêcheur, que l’homme que les gardiens accusaient d’avoir troublé le repos du quartier était sous la puissance de l’hilarante drogue qu’il prisait lui-même si fort, il se hâta d’admonester sévèrement les gardiens et de les renvoyer. Et il recommanda à ses esclaves d’avoir grand soin du pêcheur, et de lui donner un bon lit où passer la nuit en toute tranquillité. Et il se promit, à part lui, de le prendre pour compagnon du plaisir qu’il comptait se donner le lendemain.

En effet, après qu’il eut passé toute la nuit dans le repos et le calme, et toute la journée du lendemain dans la bonne chère, le pêcheur fut appelé le soir près du kâdi, qui le reçut en toute cordialité, et le traita comme un frère. Et, après avoir soupé avec lui, il s’assit tout près de lui, en face des chandelles allumées, et, lui présentant du haschisch, se mit à en prendre avec lui. Et, à eux deux, ils en consommèrent une dose capable de renverser les quatre pieds en l’air un éléphant fils de cent années.

Lorsque le haschisch se fut bien dilué dans leur raison, il exalta les dispositions naturelles de leur caractère. Et, s’étant dévêtus, ils se mirent complètement nus, et commencèrent à danser, à chanter et à faire mille extravagances.

Or, à ce moment, le sultan et son vizir se promenaient dans la ville, tous deux déguisés en marchands. Et ils entendirent tout le bruit qui s’élevait de la maison du kâdi ; et, comme les portes n’étaient point fermées, ils entrèrent et trouvèrent le kâdi et le pêcheur dans le délire de la joie. Et le kâdi et son