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le diwân des facéties… (haschisch)
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compagnon, en voyant entrer les hôtes du destin, s’arrêtèrent de danser et leur souhaitèrent la bienvenue et les firent asseoir avec cordialité, sans paraître autrement embarrassés de leur présence. Et le sultan, voyant le kâdi de la ville danser ainsi tout nu en face d’un homme tout aussi nu, et dont le zebb était d’une longueur qui n’en finissait pas et noir et mouvementé, écarquilla ses yeux et, se penchant à l’oreille de son vizir, lui dit : « Par Allah ! notre kâdi n’est pas aussi bien outillé que son noir compagnon. » Et le pêcheur se tourna vers lui et dit : « Qu’as-tu, toi, à parler ainsi à l’oreille de cet autre ? Asseyez-vous tous deux, je vous l’ordonne, moi, votre maître, le sultan de la ville ! Sinon, je vais vous faire trancher la tête, à l’instant, par mon vizir, le danseur. Car vous n’ignorez pas, je pense, que je suis le sultan en personne, que celui-ci est mon vizir, et que je tiens le monde entier, comme un poisson, dans la paume de ma main droite ! Et le sultan et le vizir, à ces paroles, comprirent qu’ils étaient en présence de deux mangeurs de haschisch, de la variété la plus extraordinaire. Et le vizir, pour amuser le sultan, dit au pêcheur : « Et depuis quand, ô mon maître, es-tu devenu le sultan de la ville ? Et peux-tu me dire ce qu’est devenu notre ancien maître, ton prédécesseur ? » Il dit ; « En vérité, je l’ai déposé, en lui disant : « Va-t’en ! » Et il s’en alla. Et je me suis mis à sa place ! » Il demanda : « Et le sultan n’a pas protesté ? » Il répondit : « Pas du tout ! Et même il s’est fort réjoui de se décharger sur moi du lourd fardeau du règne. Et moi, pour lui rendre ses gracieusetés, je l’ai gardé