Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 12, trad Mardrus, 1903.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
le diwân des facéties… (père-au-pet)
207

négresse, étonnée, répondit par l’ouïe et l’obéissance, et se hâta d’exécuter les ordres de sa maîtresse qui, à son retour du souk, lui fit dresser les plateaux, et partagea avec elle les succulentes choses apportées. Et la négresse qui, pour la première fois de sa vie, faisait un si excellent repas, s’écria : « Qu’Allah t’entretienne, ô ma maîtresse, et te fasse acquérir en graisse de bonne qualité les délicieuses choses dont tu viens de me nourrir. Par ta vie ! tu m’as fait manger, en ce seul repas dû à la générosité de ta paume, des succulences que je n’ai jamais goûtées pendant toute durée de mon service chez le kâdi ! » Et l’adolescente lui dit : « Eh bien, si tu désires tous les jours une nourriture semblable et même supérieure à celle d’aujourd’hui, tu n’as qu’à obéir à tout ce que je te dirai, et à garder ta langue enfermée dans ta bouche en présence du kâdi ! » Et la négresse appela sur elle les bénédictions, et la remercia, et lui baisa la main, lui promettant obéissance et dévouement. Car il n’y avait pas à hésiter un instant dans le choix entre largesse et bonne chère d’un côté, et, de l’autre, privation et sordide parcimonie.

Et lorsque, vers midi, le kâdi fut rentré à la maison, il cria à la négresse : « Ô esclave, étends la nappe à franges d’or ! » Et lorsqu’il se fut assis, sa femme se leva et lui servit elle-même les restes de l’excellent repas. Et il mangea de grand appétit et se réjouit d’une si bonne chère et demanda : « D’où viennent ces provisions ? » Et elle répondit : « Ô mon maître, j’ai dans cette ville un grand nombre de parentes, et c’est l’une d’elles qui m’a envoyé au-