Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 12, trad Mardrus, 1903.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
le diwân des facéties… (père-au-pet)
209

gratuit. Aussi, au bout d’une année de ce régime, il fit tant de graisse, et son ventre se développa d’une façon si notoire, que les habitants de la ville, quand ils voulaient établir un point de comparaison pour une chose énorme, disaient : « C’est gros comme le ventre du kâdi ! » Mais le ladre — éloigné soit le Malin ! — ne savait pas ce qui l’attendait, et que sa femme avait fait le serment de venger toutes les pauvres femmes qu’il avait épousées pour les faire presque mourir d’inanition et les chasser, après leur avoir coupé les cheveux et les avoir répudiées par le divorce définitif des trois. Et voici comment l’adolescente s’y prit pour atteindre son but et jouer son tour.

Parmi les voisines qu’elle nourrissait tous les jours, se trouvait une pauvre femme enceinte, déjà mère de cinq enfants, et dont le mari était un portefaix qui gagnait à peine de quoi subvenir aux nécessités urgentes de la maison. Et l’épouse du kâdi lui dit un jour : « Ô ma voisine, Allah t’a donné une nombreuse famille, et l’homme n’a pas de quoi la nourrir. Et te voici de nouveau enceinte de par la volonté du Très-Haut ! Veux-tu donc, lorsque tu auras accouché de ton prochain nouveau-né, me le donner, afin que je le soigne et l’élève comme mon propre enfant, moi qu’Allah ne favorise pas de la fécondité ? Et je te promets, en retour, que tu ne manqueras jamais de rien, et que la prospérité favorisera ta maison ! Mais je te demande seulement de ne parler de la chose à personne, et de me remettre l’enfant en cachette, afin que personne dans le quartier ne se doute de la vérité ! » Et la femme du portefaix