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les mille nuits et une nuit

accepta l’offre, et promit le secret. Et le jour de son accouchement, qui eut lieu en grand secret, elle remit à l’épouse du kâdi l’enfant nouveau-né qui était un garçon aussi gros que deux garçons de son espèce.

Or, ce jour-là, l’adolescente prépara elle-même, pour l’heure du repas, un plat composé d’un mélange de fèves, de pois, de haricots blancs, de choux, de lentilles, d’oignons, de gousses d’ail, de farines diverses et de toutes sortes de graines lourdes et d’épices pilées. Et quand le kâdi fut rentré, bien affamé à cause de son gros ventre qui était complètement vide, elle lui servit ce ragoût bien assaisonné, qu’il trouva délicieux et dont il mangea goulûment. Et il en reprit plusieurs fois, et finit par dévorer tout le plat, en disant : « Je n’ai jamais mangé de mets aussi facile à glisser dans le gosier ! Je désire, ô femme, que tu m’en prépares tous les jours un plat plus grand que celui-ci ! Car j’espère bien que tes parents ne vont pas s’arrêter dans leur générosité ! » Et l’adolescente répondit : « Que cela te soit délicieux et de facile digestion ! » Et le kâdi la remercia pour son souhait, et se loua une fois de plus d’avoir une épouse si parfaite et si soigneuse de ses plaisirs.

Mais une heure s’était à peine écoulée depuis le repas, que le ventre du kâdi se mit à enfler et à grossir à vue d’œil ; et un grand vacarme, comme un bruit de tempête, se fit entendre dans son intérieur ; et de sourds grondements, comme un tonnerre menaçant, ébranlèrent ses parois, bientôt accompagnés de terribles coliques, de spasmes et de douleurs. Et il devint bien jaune de teint, et se mit à geindre et à rouler par terre comme une jarre.