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les mille nuits et une nuit

À ces paroles de son épouse, le kâdi se releva, malgré les coliques et les spasmes, et s’écria : « Es-tu folle, ô femme ? Et depuis quand les hommes deviennent-ils enceintes ? » Elle dit : « Par Allah, je ne sais ! Mais l’enfant se mouvemente dans ton ventre. Et j’en sens les coups de pied, et j’en touche la tête avec mes mains ! » Et elle ajouta : « Allah jette les grains de la fécondité où Il veut ! Qu’Il soit exalté ! Prie sur le Prophète, ô homme ! » Et le kâdi, en proie aux convulsions, dit : « Sur lui les bénédictions et toutes les grâces ! » Et, ses douleurs augmentant, il recommença à se rouler, en hurlant de travers ; et il se tordait les mains, et ne pouvait plus respirer, tant était violent le combat qui se livrait dans son ventre. Et soudain voici le soulagement ! Long et résonnant, un pet épouvantable se délivra de son intérieur, et fit trembler toute la maison, et évanouir le kâdi sous la violente poussée de son choc. Et une série nombreuse d’autres pets, en gradation atténuée, continua à rouler à travers l’air troublé de la maison. Puis, sur un dernier vacarme, semblable au bruit du tonnerre, le silence rentra dans la demeure. Et peu à peu le kâdi revint à lui-même, et aperçut, étendu sur un petit matelas, devant lui, un nouveau-né entouré de langes, qui piaillait en faisant des grimaces. Et il vit son épouse qui disait : « Louanges à Allah et à Son Prophète pour cette heureuse délivrance ! Alhamdou lillah, ô homme ! » Et elle se mit à marmonner tous les noms sacrés sur la couche du petit et sur la tête de son époux. Et le kâdi ne savait s’il dormait, s’il veillait, ou si les douleurs qu’il avait ressenties avaient détruit ses facultés intellec-