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le diwân des facéties… (père-au-pet)
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tuelles. Cependant il ne pouvait démentir le témoignage de ses sens ; et la vue de cet enfant nouveau-né, et la cessation de ses douleurs, et le souvenir de la tempête qui s’était dégagée de son ventre le forçaient de croire à son étonnante délivrance. Et l’amour maternel fut le plus fort et lui fit accepter l’enfant, et dire : « Allah jette les grains et crée où Il veut ! Et même les hommes, s’ils y sont prédestinés, peuvent devenir enceintes et accoucher à terme ! » Puis il se tourna vers son épouse, et lui dit : « Ô femme, il faut que tu te charges de procurer une nourrice à cet enfant ! Car, moi, je ne puis l’allaiter ! » Et elle répondit : « J’y ai déjà songé. Et la nourrice est là qui attend, dans le harem ! Mais es-tu sûr, ô mon maître, que tes seins ne se sont pas développés et que tu ne peux allaiter cet enfant ? Car, tu sais bien, rien n’est meilleur que le lait de la mère ! » Et le kâdi, de plus en plus ahuri, se tâta la poitrine avec anxiété et répondit : « Non, par Allah ! ils sont comme ils étaient, sans rien dedans ! »

Tout cela ! Et la maligne jeune femme se réjouissait en son âme de la réussite de son stratagème. Puis, voulant pousser sa ruse jusqu’au bout, elle obligea le kâdi à se mettre au lit, et à y rester, comme les femmes en couches, quarante jours et quarante nuits, sans en sortir. Et elle se mit à lui faire les boissons que l’on donne d’ordinaire aux accouchées, et à le soigner et à le dorloter de toutes manières. Et le kâdi, extrêmement fatigué des douloureuses coliques qu’il avait éprouvées et de tout le bouleversement de son intérieur, ne tarda pas à s’endormir profondément, pour ne s’éveiller que