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le diwân des facéties… (père-au-pet)
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les quarante jours des couches immobile dans le lit, n’osant pas bouger par crainte des complications et des saignements, et réfléchissant, avec les sourcils contractés, à sa triste situation. Et il se disait : « Pour sûr ! la malignité de mes ennemis, qui sont nombreux, doit m’accuser de choses plus ou moins ridicules, par exemple de m’être laissé enculer d’une extraordinaire manière, en disant : « Le kâdi est un enculé ! Certainement le kâdi n’est qu’un enculé ! Ah ! c’était bien la peine vraiment de se montrer si sévère dans ses jugements, s’il devait aboutir à l’enculage et à l’accouchement ! Par Allah ! notre kâdi est un étrange enculé ! » Or, moi, par Allah ! il y a bien longtemps que je ne connais plus cette chose-là, et ce n’est pas à mon âge que je puis tenter les amateurs ! »

Ainsi pensait le kâdi, ne sachant pas que c’était seule sa ladrerie qui lui attirait ce retour des choses. Et plus il réfléchissait, plus le monde noircissait devant son visage, et plus sa position lui paraissait risible et pitoyable. Aussi, dès que son épouse eut jugé qu’il pouvait se lever sans craindre les complications d’après les couches, il se hâta de sortir du lit et de se laver, mais sans oser quitter sa maison pour aller au hammam. Et, pour éviter les moqueries et les allusions qu’il ne devait pas manquer d’entendre désormais, s’il continuait à habiter la ville, il résolut de quitter Trablous, et s’ouvrit de ce projet à son épouse qui, tout en feignant un grand chagrin de le voir s’éloigner de sa maison et de quitter sa situation de kâdi, ne manqua pas d’abonder dans son sens et de l’encourager à s’en