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les mille nuits et une nuit

aller, lui disant : « Certes ! ô mon maître, tu as raison de quitter cette ville maudite habitée par les mauvaises langues, mais pour un temps seulement, jusqu’à ce que cette aventure soit oubliée. Et tu reviendras alors, pour élever cet enfant dont tu es à la fois le père et la mère, et que nous appellerons, si tu le veux, pour nous rappeler sa merveilleuse naissance, Source-des-Miracles ! » Et le kâdi répondit : « Il n’y a pas d’inconvénient ! » Et, pendant la nuit, il se glissa hors de sa maison, en y laissant sa femme pour prendre soin de Source-des-Miracles et des effets et des meubles de la maison. Et il sortit de la ville, en évitant les rues fréquentées, et partit dans la direction de Damas.

Et il arriva à Damas, après un voyage fatigant, mais en se consolant à la pensée que, dans cette ville, personne ne le connaissait ni ne connaissait son histoire. Mais il eut la malechance d’y entendre raconter son histoire dans tous les endroits publics, par les conteurs aux oreilles de qui elle était déjà arrivée. Et, comme il le craignait, les conteurs de la ville ne manquaient pas, chaque fois qu’ils la racontaient, d’y ajouter un détail nouveau et, pour faire rire leurs écouteurs, d’attribuer au kâdi des organes extraordinaires, et de les charger de tous les outils des muletiers de Trablous, et de lui donner le nom qu’il redoutait tant, en l’appelant fils, petit-fils et arrière-petit-fils du nom qu’il ne se prononçait pas à lui-même. Mais, heureusement pour lui, personne ne connaissait sa figure, et il put de la sorte passer inaperçu. Et, le soir, quand il traversait les endroits où stationnaient les conteurs, il ne pouvait s’empêcher de