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le diwân des facéties… (père-au-pet)
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s’arrêter pour écouter son histoire, qui, dans leur bouche, était devenue prodigieuse ; car ce n’était plus un enfant qu’il avait eu, mais une potée d’enfants à la file les uns des autres ; et il finissait lui-même, tant l’hilarité était grande au milieu de l’assistance, par rire de sa propre histoire avec les autres, heureux de n’être pas reconnu, et se disant : « Par Allah ! qu’on me traite de tout ce que l’on voudra, mais qu’on ne me reconnaisse pas ! » Et il vécut de la sorte, très retiré, dans une parcimonie plus grande encore que par le passé. Et, malgré tout, il finit par épuiser la provision d’argent qu’il avait emportée avec lui, et finit par vendre, pour vivre, ses vêtements ; car il ne voulait pas se résoudre à demander, par un courrier, de l’argent à sa femme, pour ne pas se voir obligé de lui révéler le lieu où se trouvait son trésor. Car il ne se doutait guère, le pauvre ! que ce trésor était découvert depuis longtemps. Et il s’imaginait que son épouse continuait à vivre sur le dos de ses parentes et de ses voisines, comme elle le lui avait fait croire. Et son état de misère arriva à un tel degré qu’il fut obligé, lui, l’ancien kâdi, de se louer à un maçon, à la journée, comme porteur de mortier.

Et quelques années s’écoulèrent de la sorte. Et le malheureux, qui supportait le poids de toutes les malédictions lancées contre lui par les victimes de ses jugements et les victimes de sa ladrerie, était devenu maigre comme un chat oublié dans un grenier. Et il songea alors à retourner à Trablous, espérant que les années avaient effacé le souvenir de son aventure. Et il partit de Damas et, après un voyage