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les mille nuits et une nuit

la lune et toujours prêt à satisfaire ses désirs. Aussi l’aimait-elle à l’extrême, et, en retour des plaisirs qu’il lui donnait, elle ne se contentait pas de lui faire goûter à tout ce qui était bon dans son jardin, mais, comme il n’était pas riche et ne savait pas encore gagner de l’argent dans les affaires de vente et d’achat, elle dépensait sur lui tout ce qui était nécessaire, ne lui demandant jamais de la rembourser autrement qu’en caresses, foutreries et autres choses semblables. Et ils vivaient ainsi tous deux de la vie la plus délicieuse, se gavant et s’entr’aimant selon leurs capacités. Gloire à Allah qui donne aux uns la puissance et afflige les autres d’impotence ! Ses décrets sont insondables.

Or, un jour, le collecteur des taxes, époux de l’adolescente, devant partir pour son service, prépara son baudet, remplit sa besace de papiers d’affaires et de vêtements, et dit à son épouse de lui remplir l’autre œil de la besace de provisions pour la route. Et l’adolescente, heureuse de se débarrasser de lui, se hâta de lui donner tout ce qu’il désirait, mais ne put lui trouver du pain ; car la provision de la semaine était épuisée, et la négresse était précisément en train d’en pétrir pour une nouvelle semaine. Alors le collecteur des taxes, ne pouvant attendre que le pain de la maison fût cuit, s’en alla au souk pour s’en procurer. Et il laissa, pour le moment, tout bâté dans l’écurie, devant sa mangeoire, le baudet…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.