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les mille nuits et une nuit

son époux le collecteur, elle le laissa emmener le baudet, mais après qu’il l’eût débarrassé de son harnachement.

Or, quelques instants après, le mari rentra avec les galettes de pain sous le bras, et alla à l’étable pour les mettre dans la besace et prendre le baudet. Et il vit la têtière de l’animal pendue à un clou, et le bât et la besace déposés sur la paille, mais pas de baudet, ni trace de baudet, ni odeur de baudet. Et, extrêmement surpris, il revint vers son épouse et lui dit ; « Ô femme, qu’est devenu le baudet ? » Et son épouse, sans se troubler, répondit d’une voix tranquille ; « Ô fils de l’oncle, le baudet vient de sortir, et, sur le pas de la porte, il se tourna vers moi et me dit qu’il allait tenir audience dans le diwân de justice de la ville ! » En entendant ces paroles, le collecteur, plein de colère, leva le poing contre son épouse et lui cria : « Ô dévergondée, tu oses te moquer de moi ! ne sais-tu que d’un seul coup je puis faire entrer ta longueur dans ta largeur ? » Et elle dit, sans rien perdre de sa tranquillité : « Le nom d’Allah sur toi et sur moi, et autour de toi et autour de moi ! Pourquoi me moquerais-je de toi, ô fils de l’oncle ? Et depuis quand suis-je capable de te tromper en quoi que ce soit ? Et, d’ailleurs, voudrais-je l’oser, que ta perspicacité et ta finesse d’esprit auraient tôt fait de déjouer mes grossières et lourdes inventions. Mais, avec ta permission, ô fils de l’oncle, il faut que je te dise enfin une chose que jusqu’ici je n’ai pas osé te raconter, craignant que sa révélation attirât sur nous quelque malheur sans recours ! Sache, en effet, que ton baudet est ensor-