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le diwân des facéties… (le baudet kâdi)
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du moment que la chose est faite, permets-moi, ô mon maître, de te donner un conseil, et c’est de ne point te défaire de ce baudet, qui, non seulement est un excellent animal plein de zèle, sobre, ne pétant jamais, plein de décence, ne montrant que fort rarement son outil quand on le regarde, mais qui, le cas échéant, pourrait te donner de fort bons conseils sur les questions délicates de la jurisprudence et sur la légalité de telle ou de telle procédure ! »

Lorsque le collecteur des taxes eut entendu ces paroles de son épouse, qu’il avait écoutée avec un air de plus en plus ébahi, il fut à la limite de la perplexité, et dit : « Oui, par Allah ! cette affaire est étonnante ! Mais que dois-je faire maintenant que je n’ai plus de baudet sous la main, et qu’il faut que je m’en aille collecter les taxes de tel et de tel village des environs ? Mais sais-tu du moins à quelle heure il va revenir ? Ou bien ne t’a-t-il rien dit à ce sujet ? » Et l’adolescente répondit ; « Non, il ne m’a pas précisé l’heure. Il m’a seulement dit qu’il allait tenir audience dans le diwân ! Or, moi, je sais bien ce que je ferais si j’étais à ta place ! Mais je n’ai guère besoin de donner des conseils à plus intelligent et à plus incontestablement fin et perspicace que moi ! » Et le bon homme dit : « Sors toujours ce que tu as. Je verrai bien si tu n’es pas tout à fait sotte ! » Elle dit : « Eh bien ! moi, à ta place, j’irais tout droit au diwân où siège le kâdi, je prendrais dans ma main une poignée de fèves, et, lorsque je serais en présence du malheureux ensorcelé qui préside le diwân, je lui montrerais de loin les fèves que j’ai à