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les mille nuits et une nuit

la main, et je lui ferais comprendre, par signes, que j’ai besoin de ses services en tant que baudet. Et il me comprendrait, et, comme il a le sens du devoir, il sortirait du diwân et me suivrait, d’autant plus qu’il verrait les fèves, sa nourriture favorite, et ne pourrait s’empêcher de marcher derrière moi ! »

Or, le collecteur des taxes, en entendant ces paroles, trouva fort raisonnable l’idée de son épouse, et dit : « Je crois que c’est ce que j’ai de mieux à faire. Décidément tu es une femme de bon conseil. » Et il sortit de la maison, après avoir pris une poignée de fèves, afin que s’il ne pouvait amener le baudet par la persuasion, il pût du moins s’en rendre maître par l’attrait de la gourmandise, son vice principal. Et, comme il s’en allait, sa femme lui cria encore : « Et surtout, ô fils de l’oncle, garde-toi bien, dans tous les cas, de t’emporter contre lui et de le maltraiter ; car tu sais bien qu’il est susceptible et, en outre, il est, en tant que baudet et kâdi, doublement têtu et vindicatif ! » Et, sur ce dernier conseil de son épouse, le collecteur des taxes s’en alla dans la direction du diwân, et entra dans la salle d’audience où, sur son estrade, siégeait le kâdi.

Et il s’arrêta tout au bout de la salle, derrière les assistants, et élevant sa main qui tenait la poignée de fèves, il se mit à faire au kâdi, avec l’autre main, des signes d’invitation pressante qui voulaient signifier clairement : « Viens vite ! J’ai besoin de te parler ! Viens ! » Et le kâdi finit par apercevoir ces signaux, et reconnaissant en l’homme qui les faisait un collecteur principal des taxes, il crut qu’il voulait lui dire en particulier des choses importantes ou lui