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les mille nuits et une nuit

lui et la porte du diwân, bouchant ainsi l’issue. Et le kâdi, ne voyant aucun garde ni personne à appeler à son secours, prit le parti d’user de douceur, de prudence et de ménagement, et dit au collecteur ; « Tu parais, ô mon maître, avoir perdu ton baudet, je crois, et désireux de le remplacer. Or, rien n’est plus juste, à mon avis. Voici donc, de ma part, trois cents drachmes, que je te donne afin que tu puisses en acheter un autre. Et, comme c’est aujourd’hui jour de marché au souk des bestiaux, il te sera facile de choisir, pour ce prix, le plus beau des ânes ; Ouassalam ! » Et, ce disant, il tira de sa ceinture les trois cents drachmes, les remit au collecteur, qui accepta l’offre, et rentra dans la salle d’audience, en prenant un air grave et réfléchi, comme s’il venait d’avoir communication d’une affaire de grande importance. Et il se disait en lui-même : « Par Allah ! c’est de ma faute, si j’ai perdu de la sorte les trois cents drachmes ! Mais cela vaut mieux que si j’avais provoqué un scandale devant mes justiciables. Et, d’ailleurs, je saurai bien rentrer dans mon argent, en exploitant mes plaideurs ! » Et il s’assit à sa place, et continua la séance de justice. Et voilà pour lui.

Quant au collecteur, voici ! Lorsqu’il fut arrivé au souk des bestiaux, pour acheter un baudet, il se mit à examiner avec attention, et, en prenant son temps, toutes les bêtes l’une après l’autre. Et il finit par apercevoir un fort bon baudet qui lui parut remplir toutes les conditions requises, et il s’en approcha pour l’examiner de près, et soudain il reconnut que c’était son propre baudet. Et le baudet le reconnut