Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 12, trad Mardrus, 1903.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
234
les mille nuits et une nuit

sur quelque chose de flasque et de mou qui nageait au milieu d’un buisson, et qui c’était autre que le vieil outil du kâdi. Et, à ce contact, il retira sa main avec horreur et épouvante, mais pas assez rapidement pour que le kâdi, réveillé en sursaut, et soudain remis de son malaise, ne saisit cette main qui lui avait fourragé le ventre, et ne se précipitât avec fureur sur son propriétaire. Et, la colère lui donnant des forces, tandis que la stupeur clouait dans l’immobilité le propriétaire de la main, il le renversa d’un croc-en-jambe, au milieu de la chambre, et se saisissant de lui et le soulevant à bras-le-corps, dans l’obscurité, il le jeta dans la grande caisse où l’on renferme les matelas pendant le jour, et qui se trouvait ouverte et vide par suite de la sortie des matelas. Et il abaissa vivement le couvercle, et ferma la caisse à clef, sans prendre le temps de reconnaître la figure de l’enfermé. Après quoi, cette excitation, qui lui avait fait tourner rapidement le sang, ayant produit sur lui une réaction salutaire, il retrouva complètement ses forces, et, s’étant habillé, il s’informa auprès de l’eunuque de l’endroit où son épouse était allée, et courut attendre sa sortie devant le seuil du hammam. Car il se disait : « Avant de tuer l’intrus, il faut que je sache s’il est de connivence avec mon épouse. C’est pourquoi je vais attendre là qu’elle soit sortie, et je l’amènerai à la maison, et, devant les témoins, je la confronterai avec l’enfermé. Car il faut, puisque je suis le kâdi, que les choses se fassent légalement. Et je verrai bien alors s’il y a un coupable seulement, ou s’il y a deux complices. Dans le premier cas j’exécuterai