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les mille nuits et une nuit

était assise devant son tas de pois chiches, dont elle vendait aux baigneuses. Et elle l’appela et lui dit ; « Ma bonne tante, voici un dinar d’or pour toi, si tu veux me prêter, pour une heure, ton voile bleu et le panier vide qui est à côté de toi ! » Et la vieille, heureuse de cette aubaine, lui donna le panier d’osier et le pauvre voile en étoffe grossière. Et l’adolescente s’enveloppa du voile, prit le panier à la main, et ainsi déguisée, sortit du hammam.

Et, dans la rue, elle aperçut son mari qui allait et venait en gesticulant, devant la porte, et qui maudissait à haute voix les hammams et celles qui allaient aux hammam, et les propriétaires des hammams et les constructeurs des hammams. Et les yeux lui sortaient de la tête et l’écume de la bouche. Et elle s’approcha de lui et, déguisant sa voix, et imitant celle des vendeuses ambulantes, elle lui demandé s’il voulait acheter des pois chiches. Et alors il se mit à maudire les pois chiches et les vendeuses de pois chiches et les planteurs de pois chiches et les mangeurs de pois chiches. Et l’adolescente, riant de sa folie, s’éloigna dans la direction de sa maison, sans être reconnue sous son déguisement. Et elle entra, et monta rapidement à sa chambre, et entendit des gémissements. Et, ne voyant personne dans la chambre dont elle s’était hâtée d’ouvrir les fenêtres, elle prit peur, et se disposait déjà à appeler l’eunuque afin qu’il la tranquillisât, quand elle entendit distinctement que les gémissements sortaient de la caisse aux matelas. Et elle courut à cette caisse, dont la clef n’avait pas été enlevée, et l’ouvrit en s’écriant : « Au nom d’Allah le Clément, le Miséricordieux…